Bibliographies
Elmaleh, Abraham (1885-1967)
*Né à Jérusalem, Abraham Elmaleh appartient à la communauté des Maaravim, des juifs originaires du Maroc. Issu d'une famille de rabbins espagnols qui s'installe à Jérusalem au xixe siècle, Elmaleh possède plusieurs langues: le judéo-arabe, le judéo-espagnol, l'hébreu biblique et talmudique. En plus, Il apprend le français à l'École de l'Alliance israélite universelle de Jérusalem et l'arabe dans une institution juive de la vieille ville. ** Sa Jérusalem est une ville qui s'ouvre aux idées nouvelles, où se greffe, sur la tradition ancestrale, l'idéologie du sionisme. La langue ancienne-nouvelle sera l'hébreu moderne, l'hébreu désacralisé, laïcisé, qui deviendra un outil de communication apte à tout exprimer. Eliezer Ben Yehuda est le rénovateur de la langue hébraïque et Elmaleh se lie d'amitié avec son fils Itamar Ben Avi, qui deviendra le premier journaliste à écrire en hébreu moderne. Enthousiasmé par la renaissance de l'hébreu, Elmaleh fonde en 1904 la Fédération des jeunes de Jérusalem qui se fixe comme but de faire de l'hébreu une langue vernaculaire. La même année, Ben Yehuda fait appel à lui pour traduire de l'arabe des articles de presse pour sa revue "Hashkafa". ** La carrière de traducteur d'Abraham Elmaleh commence donc à l'âge de dix-neuf ans. Durant sa vie il traduira de l'arabe et du français en hébreu des articles de presse, des articles scientifiques, des ouvrages historiques et des œuvres littéraires. ** En 1913 paraît sa traduction du "Comte de Monte-Cristo", suivie en 1919 par celle de "Cinquante ans d'histoire" (1860-1910), de Narcisse Leven, président de l'Alliance israélite universelle. En 1926, il publie la traduction de "Gil Blas de Santillane", de Lesage et, en 1927, celle des contes persans "Kalila et Dimna". Sa traduction de "Silbermann", de Jacques de Lacretelle est publiée en feuilleton dans la revue "Doar Hayom" en 1929. Le "Sanctuaire inconnu" d'Aimé Pallièredes paraît en hébreu en 1945. La traduction hébraïque des "Légendes d'Iraste" est rééditée par ses soins en 1948. La dernière grande traduction d'Abraham Elmaleh, "Les Juifs d'Algérie du décret Crémieux à la Libération" de Michel Anski paraît en 1963. ** En 1929 paraît son dictionnaire hébreu-arabe, et entre 1950 et 1957, il publie un dictionnaire encyclopédique hébreu-français, français-hébreu en cinq volumes. Elmaleh devient alors un nom commun, consécration ultime pour un lexicographe. Le "Elmaleh" sera pendant quelques décennies l'outil indispensable avant d'être détrôné par une nouvelle génération de dictionnaires. ** Un homme polyvalent, il a été aussi un journaliste très fécond et a été rédacteur en chef d'un quotidien et deux deux revues culturelles. Il fut également et avant tout un pédagogue. Il enseigna le français et l'arabe à Jérusalem, à Jaffa, à Istanbul et à Damas. Elmaleh a occupé le poste d'adjoint au maire de Jérusalem et a été élu comme député à la première Knesset, le Parlement israélien. ** Il se sert de guide-interprète à une importante délégation venue de Turquie et apprend le turc à Istanbul; ensuite il quitte pour Damas où son beau-père vient d'être nommé grand-rabbin. En 1916, suspecté par les autorités turques, comme beaucoup d'autres personnalités à l'époque, il est emprisonné à Damas. La conquête britannique du général Allenby met fin à sa détention. Pendant son incarcération à Damas, il obtient une Bible, un dictionnaire unilingue arabe et une version des contes persans Kalila et Dimna. Pendant plusieurs mois, sa seule activité fut la traduction; après la guerre, il reprend sa traduction. ** Au cours des années trente, il dirige le bureau de presse sioniste à Jérusalem et à Tel-Aviv, puis entre à la mairie de Jérusalem. La création de l'État d'Israël en 1948 l'amène au Parlement, où il est élu sur une liste sépharade. ** En ce qui concerne sa traduction du Comte de "Monte-Cristo", il n'a traduit que les vingt premiers chapitres, mais sa traduction est un morceau de bravoure. Il s'agit d'une traduction libre dans laquelle il a judaïsé Dumas. Son titre, retraduit en français, donnerait "Les Aventures extraordinaires du Prince"; de plus il rebaptise les noms des personnages. ** Sa traduction de "Le Sanctuaire inconnu, ma conversion au judaïsme", d'Aimé Pallière, est précédée d'une préface du traducteur qui explique au lecteur hébraïque de nombreuses notions chrétiennes qui émaillent le texte. Sa traduction est d'une qualité et d'une précision qui permettent de mesurer le chemin parcouru depuis "Le Comte de Monte-Cristo". ** Sa conception de l'art de traduire émane essentiellement de sa critique de traductions, comme il n'a pas laissé de traité sur la traduction comme tel. Son article sur la traduction des Psaumes d'André Chouraqui est éloquent à ce propos. ** Elmaleh a toujours traduit vers sa langue maternelle, c'est-à-dire l'hébreu. Il se définit comme "un écrivain sépharade hébraïque vivant parmi ses frères". Ses racines familiales dans l' ge d'or espagnol, sa naissance et sa formation dans une Jérusalem qui commençait à s'ouvrir le préparaient à être ce médiateur qui aurait pu faire découvrir l'attrait de l'Occident aux Orientaux. (Résumé d'un article de Colette Touitou-Benitah paru dans "Portraits de traducteurs", publiés sous la direction de Jean Delisle, Les Presses de l'Université d'Ottawa, 1999.)