Bibliographies

Luther, Martin (1483-1546)

*Théologien et réformateur protestant allemand. Originaire d'une famille d'ouvriers- paysans assez aisée, il passe sa jeunesse à Mansfeld et subit profondément l'influence de sa mère, sainte femme, mais fort superstitieuse. On l'envoie faire ses études à l'école latine de Magdeburg (1497), puis à Eisenach (1498). Élève de l'université d'Erfurt (1501), il est reçu maître en philosophie (1505); mais, malgré son père, qui aurait voulu faire de lui un homme de loi, Luther, déjà préoccupé de son salut, entre chez les Augustins d'Erfurt (1503) [...]. Ordonné prêtre (1507), docteur en théologie (1512) [il en sera très fier toute sa vie], il enseigne très tôt la philosophie, puis la théologie, et surtout l'exégèse. Il joue aussi dans son ordre un rôle important, est envoyé à Rome (1510), puis à Wittenburg (été 1511); il devient professeur de théologie à l'université de cette ville (1513) et même vicaire général des Augustins en Allemagne (1515). ** Excellent moine, Luther se plonge dans la pénitence, la prière, la recherche théologique, cherchant à atteindre partout son salut dans la vérité. Cette vérité, la formule célèbre "Semper peccator, semper justus ac semper poentiens" ("le chrétien se sait toujours pécheur, toujours juste et toujours repentant"), extraite de son "Commentaire de l'Épître aux Romains" (1515-1516), la résume fort bien et correspond à la triple perspective luthérienne: l'homme est pécheur lorsqu'il se regarde en face de la sainteté de Dieu, qui est Amour; juste, lorsqu'il accepte par la foi [...] que Dieu le mette au bénéfice de son Fils; repentant, lorsqu'il se tient devant Dieu dans l'humilité de celui qui sait qu'il n'a rien à offrir à un Dieu que sans cesse il offense et qui lui a tout donné. ** Mais, au moment où Luther commente ainsi les épîtres pauliniennes, Tetzel prêche en Allemagne des indulgences pour la poursuite de la construction de Saint-Pierre de Rome, et Luther s'oppose fortement à cette vente des indulgences. Le 31 octobre 1517, il affiche sur les portes de l'église du château de Wittenberg ses 95 thèses rédigées en latin, qui marquent le début de la Réforme. Mais, même alors, Luther ne songe nullement à quitter l'Église. Il veut simplement lutter contre les abus et les erreurs. Il affirme sa doctrine, prêchant, publiant de nombreux textes, discutant avec les théologiens demeurés orthodoxes, acceptant de controverser, lors de la diète d'Augsbourg, avec Cajetan, puis, à Leipzig (juin 1519), avec Johann Eck. Entre-temps, il a fait appel au pape (1518), qui l'invite à se rétracter (bulle "Exsurge Domine", 1520), mais il s'y refuse et brûle sur la place de Wittenberg la bulle pontificale (10 déc. 1520); le pape alors le condamne définitivement. ** En 1520, Luther publie les trois oeuvres que l'on appelle traditionnellement "les grands écrits réformateurs", fondements des Églises luthériennes. C'est d'abord le "Manifeste de la noblesse allemande", appel aux princes sans doute, mais aussi à tous les hommes, qui sont exhortés à prendre leurs responsabilités pour sauver la patrie et l'Église. Se heurtant à trois obstacles opposés par Rome, Luther balaie ces objections: à la prétention romaine d'une puissance spirituelle contre laquelle aucune puissance séculière n'a de droit, il oppose le sacerdoce universel des chrétiens, l'égalité fondamentale créée entre eux par le baptême et le commun service. D'autre part, dit-il, c'est à tort que Rome prétend que seul le clergé peut interpréter l'Écriture, et, en appelant au concile, il souligne qu'il n'y a pas que le pape à pouvoir le convoquer. Luther demande, en même temps, la réforme de la Curie et celle des organes de l'Église, la suppression du célibat des prêtres, une réforme de l'enseignement, réclame la reconstruction d'une communauté humaine débarrassée du cléricalisme, et rappelle, enfin, que c'est au plus profond de l'homme que peut avoir lieu la seule révolution décisive. ** Le second écrit, "La Captivité de Babylone", est publié en latin, à l'intention des théologiens. Luther y attaque les sacrements de l'Église romaine, dont il ne conserve que le baptême et la sainte Cène à la rigueur la pénitence. Mais surtout il y souligne qu'en face de l'Écriture on ne saurait affirmer l'action automatique du sacrement. Enfin, il critique le caractère sacrificiel de la messe et réclame la communion sous les deux espèces, dénonçant par ailleurs la transsubstantiation comme contraire à l'Évangile. Ce livre aura un retentissement considérable, et c'est de lui que le concile de Trente tirera la plupart des propositions condamnées. ** Mais le plus important de ces trois ouvrages est sans doute le "Petit Traité de la liberté chrétienne", car Luther y concentre l'essentiel de sa théologie dans deux propositions lapidaires: "Le chrétien est un libre seigneur de toutes choses et n'est soumis à personne. Le chrétien est en toutes choses un serviteur et il est soumis à tout le monde", propositions qui ne peuvent se comprendre que si l'on se rappelle que, selon Luther, l'homme est sauvé de la condamnation et du désespoir par la seule grâce de Dieu, reçue par la foi seule, "Sola Gratia, Sola Fide". En définitive, Luther formule une nouvelle doctrine de l'Église, et celle qu'il définit, ce n'est pas l'Église romaine avec ses institutions et son dogme, ce n'est pas l'Église visible, mais l'Église invisible, fait de ceux-là seuls qui vivent dans la vraie foi. [...] ** En 1521, cité devant la diète impériale, Luther se rend à Worms, mais, malgré les pressions qui s'exercent sur lui, il refuse de se rétracter et, mis au ban de l'Empire, il est enlevé, puis caché par son protecteur, Frédéric de Saxe au château de Wartburg. Là, pendant ses dix mois de semi-captivité au cours desquels Satan lui serait apparu, il traduit le Nouveau Testament en allemand, donnant ainsi à la littérature allemande sa langue littéraire et sa première grande oeuvre. Mais il ne traduit intégralement la Bible qu'en 1534. [...]" ("Grand Larousse encyclopédique", vol. 12, 1973). La traduction de Luther a eu un effet normalisateur et formateur sur l'évolution du Haut allemand. [Voir le module "Portraits"].