Bibliographies

Dacier, André (1651-1722)

*Né à Castres, le 6 avril 1651, fils d'un avocat protestant, André Dacier fait ses études au collège de sa ville natale, puis à l'Académie protestante de Saumur, où il suit les cours de l'humaniste Tanneguy Le Fevre. Lors d'un séjour à Paris en 1681, il est présenté au duc de Montausier qui lui demande de publier une œuvre de Pomponius Festus dans la collection des auteurs latins "Ad usum Delphini" [voir le Glossaire]. La même année, il fait paraître à Paris le premier volume d'une traduction commentée des œuvres d'Horace. Neuf autres volumes suivront entre 1681 et 1689. Tanneguy Le Fevre avaient précédemment travaillé sur ces mêmes textes et en avait produit une édition à Saumur en 1671. La traduction est assez précise pour l'époque, mais le commentaire trahit le goût de l'auteur pour le style allégorique très prisé de son temps. ** En 1683, André Dacier épouse Anne Le Fevre (voir Anne Dacier), fille de celui qui avait été son précepteur. Celle-ci avait épousé en premières noces Jean Lesnier et avait eu un enfant naturel avec André Dacier qui venait prendre des leçons chez son père. En 1685, le couple Dacier se convertit au catholicisme, ce qui lui vaut la réprobation des Protestants. Partageant un intérêt commun pour les auteurs de l'Antiquité, les époux se vouent à l'édition et à la traduction des grands auteurs gréco-latins. André Dacier traduit en 1691, en collaboration avec sa femme, "Les réflexions morales de l'empereur Marc-Antonin, avec des remarques" "Les deux nouveaux convertis désireux de donner des gages quant à la sincérité de leur conversion, conçurent leur Marc-Aurèle comme un livre de piété, parti pris qui nuisit à sa valeur scientifique, mais contribua beaucoup à son succès. Il fut réédité de multiples fois, en France et à l'étranger, jusqu'en 1800" (Eric Foulon, "Madame Dacier: une femme savante qui n'aurait point déplu à Molière", dans "Bulletin de l'Association Guillaume Budé", Paris, 1993, no 4, p.357-379). Cet extrait de la préface est aussi très significatif à cet égard: "Lorsque les maximes d'Antonin sont entierement veritables, ce qu'elles ne peuvent être sans être chrêtiennes, nous les confirmons par l'autorité de la religion, et nous tâchons de faire honte à quelques Chrêtiens, d'être aujourd'huy moins persuadez de ces veritez que les Payens même". Puis suivirent "La Poétique" d'Aristote (1692), "Œdipe" et "Électre" de Sophocle (1692), cinq "Vies des hommes illustres" de Plutarque (1694), dont deux ont été traduites par sa femme Anne, des oeuvres d'Hippocrate (1697), de Platon (1699), de Pythagore et d'Hiéroclès (1706) et le "Manuel" d'Epictète (1715). ** André Dacier a été admis à l'Académie française en 1695 et en est devenu le secrétaire perpétuel en 1713. Dès lors, les Dacier ont logé au palais du Louvre. L'académicien-traducteur est nommé Garde du Cabinet des Livres du Roi en 1702, Garde des Livres du Cabinet du Louvre en 1717, et en 1720 et Bibliothécaire du Roi en 1720. La traduction qui contribua à perpétuer sa mémoire fut celle des "Vies des hommes illustres" de Plutarque qu'il publie intégralement en huit volumes en 1721. (Il convient de rappeler que Tanneguy Le Fevre avait beaucoup travaillé sur Plutarque et même traduit de ses œuvres: "Vie de Thésée", 1665, "Traité de la Superstition" et "Vie de Romulus", 1666.) La traduction d'André Dacier a supplanté au XVIIIe siècle celle de Jacques Amyot (voir ce nom), mais elle était pourtant loin de l'égaler. On disait d'André Dacier qu'il "connaissait tout des anciens, hors la grâce et la finesse", qu'il avait plus l'érudition que de goût et que la qualité de ses commentaires était supérieure à celle de ses traductions. ** La critique ancienne a toujours été sévère envers les qualités de traducteur d'André Dacier. Cela remontrait-il à La Bruyère qui avait déclaré un jour d'élection à l'Académie: "Vous ne trouverez donc pas étrange, Messieurs, si je donne mon suffrage à M. Dacier, à qui même je préférerois Madame sa femme, si vous admettiez parmi vous des personnes de son sexe"? En fait sa traduction d'"Électre" et d'"Œdipe" est une traduction d'information générale de la même veine que celle d'Homère par sa femme, et il faut noter que c'est la première traduction d'une tragédie grecque en français depuis cent vingt ans (Jean-Antoine Baïf avait traduit "Antigone" de Sophocle, en 1572.) Il fallait beaucoup de courage pour oser traduire Sophocle, au siècle de Corneille, de Racine et de Boileau, avec une précision nouvelle et assez remarquable compte tenu des contraintes du français classique. Le traducteur survécut deux ans à la mort de sa femme et s'éteignit le 18 septembre 1722.